#1 - Au fait, c'est quoi l'infox santé?
Question simple? pas tant que ça... venez, je vous explique.
Première chose: merciiiiii d’être là! 🤗
Ce n’est pas rien cette première édition des Clés, c’est une nouvelle aventure qui commence, et je suis touchée que tu y participes.
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Au programme
Aujourd'hui on soulève le capot, on pose les bases :
C’est quoi l’infox en santé?
Depuis quand existe-t’elle?
et on vous donne vos premières clés :
🔑 Quels sont les récits qui accompagnent le plus souvent l’infox? 🔑
On parlera aussi des prochains numéros, et des surprises que l’on vous prépare.
C’est parti!
L’infox: un mot, plusieurs définitions
Au moment de choisir le nom de cette newsletter, ma première idée a été de l’appeler “les clés de l’info santé”.
Tout est dans le X
Je voulais vous parler de l’écosystème d’information santé, de ses mutations qui favorisent la diffusion des fake-news. Vous transmettre ce que j’ai appris depuis 20 ans sur le terrain sur la communication des risques et la gestion d’infodémie.
D’où l’idée des “clés de l’info santé”.
Problème: ce titre était clair, mais fade.
Puis soudain un jour, lumière💡: il me manquait un X.
Ce X change tout, et n’a rien d’un hasard!
La naissance de l’”infox”
Le terme “infox” est né le 4 octobre 2018, avec une publication au Journal Officiel de la Commission d'enrichissement de la langue française.
L’idée de nos savants linguistes était de proposer un équivalent au terme anglais "fake news" qui s'était largement répandu dans les médias.
Résultat:
La construction est ingénieuse car :
c’est court et facilement mémorisable
la référence à l'information est claire ("info")
la nature insidieuse et trompeuse de l’intoxication est bien présente
Une infox, c’est donc un mélange de vrai ✅ (info) et de faux ❌ (intox). Et cela fait sa puissance…
Pourquoi tant de termes?
Mais alors, si nous avons un joli mot bien Frenchy🥖, pourquoi parler de mésinformation et de désinformation?
Ces termes sont très souvent utilisés dans les médias, francophones comme anglophones (misinformation/disinformation).
Plusieurs raisons:
1- le terme « fake-news » instrumentalisé contre la liberté de la presse
Pendant son premier mandat, l’actuel président des Etats-Unis a été très fort en diffusion d’infos fausses ou trompeuses.
Le Washington Post en recense très exactement 30573 dans son amusant (sic) tracking allant de juillet 2018 et janvier 2021.
Trump ne s’est pas contenté de les diffuser: il a aussi attaqué frontalement la presse, l’accusant de diffuser elle-même des fausses informations, les accusant d’être des “fake-news”.
Au fur et à mesure du temps, ce terme “valise” a donc été instrumentalisé à l’inverse de son sens initial. Les experts du sujet (pour la plupart anglophones) ont donc évité ce mot, pour lui préférer les termes de mésinformation et de désinformation.
2- une différence essentielle entre mésinformation et désinformation
Seconde raison pour laquelle sortir du terme générique de fake news était important pour les experts: être précis dans les termes.
Dans les publications scientifiques sur le sujet, les chercheurs font schématiquement la différence entre mésinformation et désinformation par l’intention du créateur.
Une personne postant sur les réseaux sociaux une mise en scène délibérément fausse d’agression fait de la désinformation. Il peut en tirer des bénéfices politiques, ou financiers par exemple, s’il vend une solution d’autodéfense en même temps.
Par contre les internautes qui relaient cette vidéo, la pensant véridique, sont sincèrement inquiets et souhaitent protéger les autres. Ils font, à leur corps défendant, de la mésinformation.
Cela te fait penser à une expérience vécue sur le terrain? Partage-la en commentaire!
Cette différenciation entre mésinformation et désinformation a soulevé de très nombreux débats chez les experts:
la désinformation est-elle une forme de mésinformation?
tout créateur de désinformation ne souhaite-t-il pas que son contenu devienne de la mésinformation partagée de façon naïve?
la mésinformation mérite-t-elle un champs de recherche dédiée? etc etc.
Pour les passionnés qui veulent aller plus en profondeur sur ces définitions, je vous conseille l'excellent rapport des Académies des Sciences des US, publié en décembre dernier.
Sur le terrain au final, il est important de comprendre (et de se rappeler régulièrement) que les personnes qui transmettent ces infox sont la plupart du temps pleines de bonnes intentions et ne savent pas qu’elles ont été manipulées/trompées.
Beaucoup de termes donc, mais peu de haine (à l’origine).
C’est nouveau l’infox? non
Si le terme d’infox est récent, le phénomène lui ne l’est pas.
Rumeurs et fausses infos sur la santé ont toujours existé!
Ce n’est pas étonnant au fond, puisque la science et les connaissances évoluent régulièrement.
Et quand la science patine ou n’est pas audible, les rumeurs fusent.
Exemple de choix sur le sujet: la vaccination 💉
Dans un excellent exposé sur l’histoire des résistances à la vaccination à retrouver prochainement sur la chaine YouTube de l’AFIS1, Françoise Salvadori2 explique comment la vaccination a été un sujet très porteur pour les infos erronées, les peurs et les rumeurs en tout genre.
On pensait par exemple au XXVIIIème siècle (celui des lumières donc) que la pratique de l’ancêtre de la vaccination était dangereuse, qu’elle était une “corruption de la nature humaine en raison de l’origine animale d’une partie des vaccins”.
Petit rappel historique: Pour protéger de la variole, Edward Jenner, médecin de campagne anglais, a l'idée en 1796 d'inoculer non pas du pus venant de vésicules de vaccine, une maladie proche de la variole mais nettement moins dangereuse, notamment présente chez les bovins.
Des rumeurs et infox circulent donc selon lesquelles les patients inoculés contre la variole se transforment en… vache 🐮.

Pendant la crise de la COVID-19, une des infox qui circulait était la crainte que l’on nous injecte une micro-puce qui nous aurait transformé en émetteur de 5G (j’extrapole un peu pour l’émetteur de 5G hein, mais pas tant que ça…)
L’infox a enflammé les réseaux et on a vu apparaitre des articles de démystification aux titres ubuesques…
Cette rumeur d’une injection cachée de puce 5G continue à circuler, et on la retrouve régulièrement dans des commentaires complotistes.
Le processus reste le même: l’infox joue sur la peur d’être transformé non plus en 🐮 mais en robot 🤖
Cela nous amène à la dernière partie de notre Edition #1, et à vos premières Clés!
🔑 Les récits récurrents de l’infox en santé 🔑
Nous y reviendrons largement dans les éditions futures mais gardez en tête une chose:
👉 La mésinformation voyage rarement seule.
Elle s’intègre dans des récits qui la supporte et la justifie.
C’est pourquoi, trop souvent, fournir simplement les faits scientifiques n’a que peu d’impact sur l’avis et le comportement des gens.
Repérer ces récits, c’est comprendre le contexte dans lequel l’infox s’ancre, et pouvoir mieux y répondre, et faire évoluer le comportement du patient/collègue/proche.
Heureusement (si je peux dire), les types de récits ne sont pas très nombreux, donc facilement repérables.
Je vous en liste trois ci-dessous 3 :
🔑1️⃣ La conspiration
La fameuse théorie de la conspiration! On l’adore, et on a pas mal d’exemples extravagants qui nous viennent en tête.
Par définition, la théorie de la conspiration est la croyance qu'un événement ou une situation est le résultat d'un plan secret élaboré par des personnes puissantes. Leurs motifs sont souvent économiques ou politiques.
On se souvient bien sûr de la 5G et de Bill, ou des accusations sur la bigpharma. Mais en y réfléchissant bien, vous verrez qu’on l’a retrouve beaucoup plus souvent que l’on ne pense, avec des protagonistes plus anodins (les voisins, le boucher, certains membres de la famille, etc).
🔑2️⃣ La perte de liberté
Souvenez-vous de la réaction face à l’obligation vaccinale. Ici encore ce n’est pas nouveau. Au XIXème siècle, la vaccination obligatoire contre la variole soulevait déjà les foules chez nos voisins anglais, menant à son annulation.
Le processus psychologique sous-jacent est bien connu: la réactance, mécanisme de défense psychologique mis en œuvre par l’individu s’il croît sa liberté d'action ôtée ou menacée.
Le même processus est à l’oeuvre lorsqu’un praticien écarte d’un revers de manche la possibilité d’une alternative à un traitement par exemple. En ne prenant pas en compte le besoin de se sentir libre de son choix, le praticien risque de braquer le patient.
🔑3️⃣ La Bonne Mère Nature
Ce thème va souvent de paire avec le trio sécurité/efficacité/nécessité . Entre alors en jeu une croyance appelée le biais de naturalité, qui fait penser que “tout ce qui provient de la nature est intrinsèquement bon pour la santé et dépourvu de danger”.
Malheurement, comme vous le savez déjà, de nombreuses substances naturelles peuvent être toxiques ou dangereuses (ex. : cyanure dans les noyaux d'abricot, toxines botuliques, venins). À l'inverse, les médicaments synthétiques sont rigoureusement testés pour leur efficacité et leur sécurité avant leur mise sur le marché.
Sans même parlé du coté méfiance envers l’industrie pharma, les processus de recherche, production et mise sur le marché des médicaments sont bien plus complexes à comprendre, à première vue, que les remèdes “traditionnels” transmis de générations en générations (ou présentés comme tels par des campagnes marketing bien ficelées).
NB: Il existe d’autres types de narratifs, comme ceux liés aux préoccupations en matière de sécurité, motifs politiques ou moraux (par exemple, “le papillomavirus ne concerne que les filles sexuellement actives, la mienne n'en a donc pas besoin”). Nous les détaillerons dans de futurs éditions!
À vous de tester ces premières clés 🔑!
Voilà, premières Clés transmises!
À vous maintenant de les mettre en pratique dans votre quotidien d’acteur de santé.
Comment répondriez vous à un patient/collègue/proche qui vous dit:
“J’arrête le traitement anti-inflammatoire qui m’a été prescrit, je le remplace par du curcuma, c’est une épice naturelle, c’est sans danger et bien mieux que ces trucs chimiques qui me détruisent le ventre.”
Quel récit sous-tend la croyance exprimée?
Repérer ces récits qui accompagnent l’infox vous permettra de mieux dimensionner votre réponse et présenter vos arguments pour désancrer la mésinformation dans le 🧠 de votre interlocuteur.
C’est fini pour aujourd’hui 🥲
Mais les Clés reviennent dans 15 jours, pour parler des différents impacts de l’infox, au niveau individuel mais aussi collectif.
Si tout va bien(🤞🏼), cette seconde édition inclura en prime une infographie à afficher (ou pas 😅) dans votre bureau/salle d’attente/cabinet/où-vous-voulez-quoi :)
J‘espère que ce premier opus t’a plu!
N’hésite à cliquer sur le petit coeur 💛 pour me le faire savoir et à m’envoyer un message avec tes feedbacks!
A très vite, et d’ici là, bonne santé à toi!
L’AFIS est l’Association Française pour l’Information Scientifique
Françoise Salvadori est la co-autrice de Antivax - La résistance aux vaccins du XVIIIe siècle à nos jours
Smith, R., Cubbon, S. & Wardle, C. (2020). Under the surface: Covid-19 vaccine narratives, misinformation & data deficits on social media. First Draft.
J’adore 👌
Top, j'adore, enfin de la belle information !